Aujourd’hui, l’intérêt pour l’essai gratuit de produit se fait de plus en plus sentir. Beaucoup souhaite devenir testeur ou testeuse. Attirés par la chance de tester, d’essayer des cosmétiques, des produits de beauté, et des produits alimentaires tout en ayant la possibilité de gagner de l’argent afin d’arrondir ses fins de mois. Cette quête de bons plans et de produits gratuits est devenue une partie intégrante de notre expérience en ligne. Alimentée par la possibilité de recevoir des échantillons gratuits et de participer à un panel de testeurs de produits.
Le web nous a habitués, depuis plusieurs années, à pouvoir essayer les produits gratuitement pour quelques jours ou dans une version light. De même que le jeu mobile a développé le freemium pour nous embarquer dans son univers en espérant que la tentation d’aller plus loin engendrerait l’achat de contenus supplémentaires et ça marche ! Mais peut-on faire de cette méthode un standard et qu’est-ce que provoque, chez le client, ce fait de pouvoir tester des choses gratuitement ?
Qu’est-ce qu’un essai gratuit de produit ?
Il est important de préciser ce que j’entends par un test gratuit pour un produit. Un essai gratuit offre à un testeur de produit la chance unique d’évaluer des nouveaux produits. Des produits cosmétiques tels que les crèmes aux gadgets high-tech. De préférence, il préféra essayer le produit à domicile ou à son bureau. Il ne s’agit pas d’acheter un produit test et de pouvoir le rendre 100 jours plus tard, ou 100 nuits après l’achat comme le propose la marque Emma® pour ses matelas.
En résumé l’essai gratuit d’un produit c’est : je pars avec votre voiture. Imaginez tester gratuitement une voiture pour vos vacances. Je l’essaye afin de confirmer que le volume du coffre correspond à notre besoin, que l’espace à l’arrière est suffisant pour que tout le monde y soit à l’aise. Et enfin pour me rendre compte si la puissance du moteur est en adéquation avec ma façon de conduire. En passant, je regarderai mon reflet dans une vitrine pour confirmer que ce véhicule me va bien. Et puis bien évidemment, je vous la ramènerai et prendrai ma décision. Ah, je précise qu’au cours de cette période, je vais pouvoir tester la qualité de votre service après-vente dans le cas où, malheureusement, j’en aurai besoin.
Ceci est un essai gratuit pour un produit. L’élégance voudrait que la voiture ait été fournie avec un plein. De l’éducation du prospect dépendra qu’il la rende avec ce même plein ou non.
Cependant, offrir un produit gratuitement représente un investissement significatif pour les entreprises, souvent vu comme une dépense sans retour. Quand il s’agit d’une voiture, on comprend bien que ce serait une folie de l’accepter. Le prospect lui-même comprend l’abus et rares sont ceux à le tenter.
Que penser de produits à tester moins chers ? Et si l’on prend les services, la notion de valeur étant encore plus flou, il n’est pas rare de s’entendre dire « mais ça ne vous coûte rien si je l’essaye ».
C’est une fois, encore, ce que laisse à penser les offres freemium du jeu mobile ou les logiciels en SAAS avec un mode gratuit. Bien évidemment que cela leur coûte. Être sur les stores de Google et d’Apple coûte, permettre à un client d’utiliser une application cloud coûte en hébergement, notamment. La seule différence, avec un grand nombre d’autres activités, est que leur business model inclut ce coût dès le départ. Ce qui n’est pas le cas d’un très grand nombre de marchés ou d’entreprises nées avant ce mode de vente.
Alors comment refuser l’essai gratuit à une personne intéressée par votre produit ?
Mon expérience sur l’essai gratuit de produit
En 2011, nous lancions, avec ma société C and C, la distribution des bornes de mesure de satisfaction Happy Or Not. C’est un marché qui est, aujourd’hui, saturé. Vous pouvez trouver des bornes partout depuis les toilettes jusque dans les agences bancaires et passant par les bureaux ou encore les chaînes de production. Nous avons été un très grand pourvoyeur de bornes pour plusieurs sites puisque nous étions leaders avec près de 6.000, en France. Mais la question est comment avons-nous remédié à la demande d’essai gratuit pour ce produit ?
Il est certain que lorsque nous sommes arrivés sur un marché quasiment vierge de solutions sur site, en dehors de coupons de papier à remplir ou d’invitation à se rendre sur un site web, nous avions et, une chance incroyable de ne pas avoir de concurrents, et un frein de ne pas être connus, ni attendus.
Nous étions persuadés que la solution allait convenir à tout le monde puisqu’aucune borne sans fil électrique, ni wifi, n’existait. Toutefois l’acceptation n’est pas venue en claquant des doigts. Le premier frein que tout entrepreneur ou développeur de nouveautés connait, est un biais cognitif présenté dès 1988 par Samuelson et Zeckhauser, l’aversion au changement.
Il nous fallait trouver une solution pour débloquer les freins, là encore souvent dus à des biais cognitifs.
Des études psychologiques ont montré, dès 1988 avec Hirschheim & Newman, que le biais de l’aversion à l’incertitude pouvait freiner l’envie d’acheter ou d’accepter le changement. Notre cerveau, est construit et fonctionne sur la prédiction, autrement dit, il cherche continuellement à s’adapter aux situations et à leur évolution afin de limiter les risques futurs. Sans pouvoir tester les nouveautés, un client mystère a peu de recul et peu d’informations. Il lui est très difficile de se projeter et d’être rassuré voire convaincu.
Dès lors que nous avions perçu ce frein et cette crainte de se lancer après notre démonstration en avant-première, si géniale soit-elle, nous avons de manière intuitive proposer d’essayer gratuitement notre solution.
La gratuité avait pour objectif de soulever tout de suite le problème que nous pensions financier. Pensant qu’en ne payant pas, l’acheteur allait, de fait, profiter de cette opportunité pour apporter à son entreprise une solution nouvelle et innovante. Mais le vrai frein était, avant tout, l’aversion au changement.
Nous avons donc lancé une offre d’essai avec deux mois gratuits pour ce produit. Les demandes se sont enchaînées pour nous permettre de constater que notre borne était à 90%, restée dans son carton au bout des soixante jours. Aucune campagne de test n’avait été mis en place par nos prospects pour la tester. Pire, ils se sont rendu compte qu’en ne la mettant pas sur site, cette borne n’avait pas changé leur vie, ni leurs résultats, et donc tout allait pour le mieux pour eux et leur poste.
Cette borne ne demandait pas beaucoup d’efforts pour l’installer car elle fonctionnait de manière autonome avec des piles et les résultats, envoyés en 3G, ne nécessitait aucune liaison avec le système informatique du client. En revanche, elle appelait la personne en charge à prendre en main le projet. Il lui fallait tout coordonner comme si le projet était lancé. Définir les questions à poser, prévenir les collaborateurs, former les cadres à l’analyse des résultats, faire un compte rendu et surtout générer des réflexions voire des solutions au regard des réponses reçues. Enfin, mettre un outil devant le client pour donner son avis. Ce dernier point étant un vrai engagement de la part d’une entreprise car l’avis est donné en temps réel. Souvent la raison de l’insatisfaction est connue en interne mais on aime rarement que ce soit dit.
Nous n’avons donc quasiment lancé aucun projet la première année, mais avons dépensé une fortune en logistique, transport, ouverture de forfait 3G, mise en place, conseils pour les questions à poser, analyses pour prouver l’utilité des données, formation à l’administration, temps homme et j’en passe. Avec toujours la même réponse : « ça va être compliqué à mettre en place, regardez je n’ai même pas eu le temps de l’installer ».
Mais ce n’est pas le temps qui a manqué pour l’installer mais l’enjeu.
Essai gratuit de produit : la gratuité est synonyme de déresponsabilisation
En quoi, suis-je responsable si telle ou telle chose n’a pas marché puisque je ne l’ai pas payée. L’entreprise prospectée n’a pas souffert puisqu’elle n’a pas sorti d’argent, elle n’a pas perdu de temps puisqu’elle n’a pas installé le système. Et surtout, elle n’a engagé personne qui pourrait lui reprocher une perte de temps ou une surcharge de travail.
L’absence d’investissement financier peut mener à un manque d’engagement. Sans engagement, la question de la valeur perçue se pose. Etre rémunéré ou recevoir des chèques cadeaux pour tester les produits sans frais change-t-il la dynamique ?
La vérité est dans le prix
Pour continuer avec nos bornes, nous avons commencé à les vendre, à partir du jour où nous avons fait payer l’essai. Moins de tests de produits évidemment, mais la qualité d’écoute et l’investissement des testeurs ont été immédiats. Nous n’avons plus jamais eu de bornes restées dans leur carton, dans un coin. Elles ont toujours toutes été mises en place. Et surtout, nous avons toujours eu des rendez-vous avec toutes les parties prenantes. Car l’investissement impliquait l’entreprise dans son ensemble quand la gratuité ne concerne que celui qui l’a obtenu pour s’en prévaloir.
En 2012, les installations ont décollé, les clients que nous avons équipés étaient de plus grandes marques car avec cette obligation de payer le test produit, la réflexion de rentabilité s’est placée sur de nombreux produits testés. Quitte à payer, autant que cela soit rentable.
La relation avec le prospect quand le test est payant
Il est vrai que passer d’une offre d’essai gratuite à une offre d’essai payante pour un produit est très angoissante. On va penser qu’aucun panéliste ne voudra, dorénavant, essayer avant d’acheter et que le niveau des ventes va chuter immédiatement.
C’est l’effet inverse qui se produit. Placez-vous dans le contexte de la location immobilière. Combien de visites sont demandées par des personnes qui n’ont pas réellement de projet, que l’on peut qualifier de touristes faisant un tour « pour voir ». Il y a tellement de demandes, aujourd’hui, dans ce secteur, qu’une visite payante serait entendable. Aujourd’hui, elle n’existe pas encore car elle a été mise de côté, au profit de la visite groupée. L’idée étant plus pour gagner du temps que d’utiliser le biais social, mais laissons-là la raison du pourquoi.
Pensez-vous sincèrement qu’une visite payante mais justifiée nuirait à la vente ou la location d’un bien ? Au contraire, la visite payante nécessite de la part de l’agent, une bien meilleure préparation, une bien meilleure connaissance de son métier. Le prospect qu’il va rencontrer est un client et non plus un prospect. Il ne s’agit plus de lui vendre mais de faire en sorte qu’il achète à nouveau car il a déjà acheté une visite. Ce même client est en attente d’un réel service et ne se satisfera pas d’une visite morne et sans réflexion de la part de l’agent. Attitude qui lors de visites gratuites est acceptée, bien que souvent commentée, plus tard, auprès de ses proches. L’agence immobilière aurait tout intérêt à ce que la relation mise en place soit celle d’agent à client plutôt que d’agent à prospect pour s’assurer une belle notoriété. De l’autre côté, la visite payante prouve que le prospect est motivé, et que son besoin est réel. Il s’investira plus et étudiera plus consciencieusement l’offre avec une visite payante.
La relation avec le prospect n’en est pas moins bonne parce qu’on lui demande de payer un essai. En revanche, la relation va s’installer sur d’autres bases qui sont plus proches de l’après-vente que de l’essai.
L’essai payant est valorisant s’il est bien marketé
Pour toute l’entreprise, passer à l’essai payant est un changement. Pas un changement systémique ou culturel mais un changement de regard.
Toute entreprise est organisée pour vendre des produits ou des services. Du marketing au commercial en passant par la comptabilité et la logistique. Ainsi donc, elle sait mettre en vente. L’essai payant est son nouveau produit/service et il doit être travaillé comme tel.
Cela signifie qu’un essai de produit payant est valorisant pour le prospect car il va participer au test de produits et va s’attendre à une qualité de service bien supérieure que si il avait testé le produit gratuitement. Au cours de ce test consommateur, il va pouvoir se plaindre et aura en main un atout majeur qui est qu’il a payé. Vous lui donnez déjà un moyen de négocier qui ne vous coûte rien.
Au même titre, l’ensemble de l’entreprise va devoir mettre le même engagement dans l’essai payant que pour un produit ou service vendu. Le client a acheté l’essai. C’est un moyen pour l’entreprise d’être rassurée quant à l’approche menée auprès du prospect de la part de ses équipes commerciales et après-vente car le prospect est déjà devenu un client. Et un client intéressé sans quoi, il n’aurait pas payé l’essai.
L’essai payant est un mode de management pour amener tout le monde à s’investir dans la prospection. L’objectif est que le prospect achète à nouveau, qu’on ne le perde pas. Il a déjà acheté l’essai, c’est donc un client.
L’essai payant, le meilleur outil de négociation
Pour l’avoir exposé, lors de formations ou d’accompagnements de dirigeant, cet objectif de faire passer l’essai du produit à payant pour tester le produit, engendre toujours des objections, des fins de non-recevoir dans les premières minutes. C’est normal. Il est tellement plus simple de donner gratuitement que de demander de payer qu’il serait bien bête de se mettre un caillou dans la chaussure. Mais, pourquoi regarder une difficulté comme une crainte plutôt qu’une opportunité ?
Nous savons toutes et tous, que la vente est une négociation et qu’hormis quelques exceptions, tout se négocie, et que tout acheteur se fait une obligation de négocier les prix (à tort parfois, cf. notre interview de Mathieu Lizeau sur les achats responsables).
Le prix de l’essai n’est-il pas le meilleur levier pour offrir un cadeau d’une vraie valeur à son client ? Il sait depuis le début qu’il aura à le payer. Et tout à coup, il réussit à atteindre un de ses objectifs majeur d’acheteur : obtenir une remise, voir un produit gratuit.
Pour l’entreprise la charge des essais de produits est souvent intégrée dans sa marge, bien que parfois plus coûteuse qu’il n’y paraît. Le coût d’un produit offert n’est pas une perte réelle.
En proposant de rembourser le coût de l’essai ou d’offrir l’essai si le client procède à l’achat, vous activez le principe de réciprocité. Ayant été le premier à faire un geste envers l’autre, il se sent redevable, ce qui pourrait se traduire par une augmentation de son envie d’acheter pour le produit testé. Un client satisfait est un ambassadeur.
Finalement, l’essai payant ne devrait-il pas être un produit ou un service automatiquement intégré à votre offre et devenir le plus vendu ? Ne faudrait-il pas plus focaliser les objectifs marketing et commerciaux sur le nombre d’essais payants achetés que sur le chiffre d’affaires ?
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